Le Rapport Sauvé qui ne sauve pas le Système

Publié le 22 Novembre 2021

Un article paru dans le Monde de la première semaine de novembre, signé Jacques Musset, m’interpelle sur la relation qu’il fait entre le rapport Sauvé concernant la pédophilie dans le clergé et la remise en cause du célibat des prêtres. Y-a-t-il un lien de cause à effet ? Je ne le pense pas.

Certes, je partage son sentiment sur l’aspect clérical dont il écrit « que le célibat des prêtres en est l’une des manifestations éclatantes. » Mais pour autant, il reconnaît qu’« en supposant que Rome autorise aujourd’hui le mariage des prêtres masculins et admette que les femmes peuvent désormais accéder à la prêtrise, rien ne serait changé fondamentalement dans le système… »

Cela dit, la question de la pédophilie dans l’Église est à mon avis un autre sujet qui ne dépend pas de cette « révolution copernicienne » dont le rapport Sauvé fait état. La pédophilie est une déviance sexuelle que l’on peut constater tant chez les célibataires que chez les couples mariés. Et ce n’est pas en introduisant des laïcs et plus encore des femmes, dans les rouages du monde clérical, que les choses changeront. Bien au contraire, une défiance s’installera, favorisant d’autres formes de silence et de non-dits.

Il s’agirait plutôt d’observer que cette tendance pédophile est bien antérieure même à l’injonction du célibat dans l’Histoire de l’Église. De plus, elle ne touche pas d’ailleurs que des hommes ou femmes d’Église, mais bien d’autres milieux socio-ethniques. Mais, pour s’en tenir à l’appareil purement clérical, que dénonce bien justement Jacques Musset, n’est-il pas plus ancré dans un aspect doctrinal que sociétal ? Car, sans l’avouer explicitement, l’Église, en s’appuyant sur la doctrine de l’Apôtre Paul, au caractère très misogyne, a toujours favorisé la supériorité des hommes sur les femmes. D’où un monde d’hommes vivant en mode clos auquel on confiait des enfants afin de perpétuer la race sacerdotale et masculine. Aura-t-on la lucidité d’en tirer toutes les conclusions pour comprendre la sexualité d’une partie importante des hommes d’Église ?

C’est ici précisément que je perçois l’hypocrisie des évêques, tantôt battant leur coulpe sur eux-mêmes, tantôt considérant la responsabilité du Système…. Selon que ça les arrange. Mais quel Système ? Sinon celui qui les a obligés à ce silence. Alors on retiendra leur préoccupation à dédommager financièrement leurs victimes, n’hésitant pas à sacrifier quelques biens immobiliers conservés précieusement jusqu’à ce jour. Est-ce ainsi qu’on se lave les mains ? Cette question financière est d’ailleurs, tant du côté des victimes que de celui de la hiérarchie, plus ou moins malsaine. Comme si l’argent pouvait à lui seul réparer les blessures ! Sur quelle base se positionneront-ils, pour des victimes dont les faits remontent sur plus de cinquante ans, sans parfois aucun témoin, et donc aucun élément à charge réellement prouvable ? D’avoir vu ces évêques à genoux à Lourdes donne le frisson, même si l’image est forte. Celle d’une Église définitivement à genoux, sombrant sous des scandales de toutes sortes et dont la crédibilité s’effrite peu à peu depuis de longues années. C’est une Église en déroute qui résume à elle seule la fin d’un monde. Une Église consentante, de force, à courber l’échine devant la loi républicaine ne sachant plus trouver d’issue de secours. Par voie de conséquence on remarquera, dans son interview au Figaro du 09 novembre, que Mgr Éric de Moulins-Beaufort ne se référencie même plus à l’Église mais au Christ : « l’Église, en tant que telle n’est pas mon souci… ce qui compte n’est pas l’Église, c’est le Christ. » Habile. Je croyais pourtant que le Christ était l’Église, Corps mystique, et si les lois de la République sont au-dessus de la religion, l’Église dans le Christ n’y est objectivement pas subordonnée. Rajoutant comme parade finale : « Ce qui compte pour nous… ce n’est pas d’être des gardiens de l’Église ».

Je doute fort que le Christ, dont il se réclame, ne leur rétorque tôt ou tard : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Ainsi peut-être l’aveu que les hommes d’Église ne ressemblent plus aux disciples choisis à l’origine par le Galiléen.

Confiant, le Président des évêques de France se dit « libéré » du poids qui pesait sur ses épaules. Rien que ça ! À terme, cette repentance en trompe-l’œil n’accouchera que d’une souris. Le Titanic que l’on croyait insubmersible, s’enfonce progressivement avant même d’avoir touché l’iceberg.

 

Bernard DUVERT

09 novembre 2021

Rédigé par DUVERT Bernard

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